jeudi 19 septembre 2013

Synap.TIC, une communauté d’enseignants dédiée à la recherche - rapport préliminaire

Introduction


Synap.TIC est un projet de recherche-action dont l’objectif est de vérifier si une communauté virtuelle dédiée aux connaissances issues de la recherche (CIR) permet aux intervenants de l’éducation de trouver des réponses à leurs questionnements professionnels.


L’avènement des réseaux sociaux et des technologies du web social a facilité la mise en place de nombreuses communautés dans le domaine de l’éducation. Parallèlement aux activités se déroulant dans ces communautés, d’innombrables recherches sur les problématiques rencontrées en éducation sont publiées chaque année. Selon le professeur Christian Dagenais de l’Université de Montréal, les connaissances produites par ces recherches offriraient de réelles pistes de solution aux problèmes rencontrés en éducation, mais demeurent méconnues et sous-utilisées par les enseignants (Dagenais, 2010). Le projet Synap.TIC s’inscrit dans la foulée des recommandations du professeur Dagenais qui propose entre autres de mettre en place des projets de transfert de connaissances afin que les intervenants de l’éducation puissent avoir accès à des connaissances issues de la recherche.

Rappel


Le projet s’est déroulé en 2 phases. La première consistait à tester un prototype à l’automne 2011 et la deuxième s’est déroulée d’avril à décembre 2012. Le but de cet article est de présenter une synthèse du déroulement et des résultats préliminaires du projet. Une première phase s’est déroulée à l’automne 2011 mobilisant une douzaine de participants, la majorité des enseignants des niveaux primaires et secondaires. L’objectif était d’évaluer une plateforme collaborative basée sur un wiki et un modèle de transfert de connaissances s’inspirant en partie du concept de boutiques de sciences. Les conclusions de cette première phase ont permis de réajuster le modèle pour favoriser davantage une formule de communauté d’intérêts. Le wiki a également été remplacé par une plateforme WordPress, incluant l’extension BuddyPress qui ajoute des fonctionnalités semblables à celles d’ un réseau social.

Mise en place de la phase 2


Afin de favoriser les échanges et les discussions dans la communauté, un animateur a été embauché. Il a également été convenu que le CTREQ agirait à titre de « courtier de connaissances » afin que les questions restées sans réponse soient relayées à des chercheurs du milieu universitaire. Enfin, pour assurer la cohésion de la communauté Synap.TIC, il a été décidé que cette deuxième phase du projet serait dédiée à la littératie, l’un des thèmes d’intérêt du RIRE. C’est d’ailleurs sur cette base que s’est fait le recrutement de la vingtaine de participants, issus pour la plupart des niveaux d’enseignement primaire et secondaire.

Développement inattendu


Après un départ répondant aux attentes au printemps 2012, un phénomène plutôt inattendu s’est produit lors de la reprise des activités en septembre. En l’espace de quelques semaines, les activités de la communauté se sont déplacées vers le groupe Facebook du projet Synap.TIC. Ce groupe ouvert à tous avait été initialement mis en place comme un outil d’information pour le projet et aucun plan d’animation formel n’avait été établi. Notons également qu’une vingtaine de personnes associées au monde de l’éducation ont adhéré à ce groupe en cours de route. Plusieurs se sont mises à partager des ressources et à discuter de sujets divers, souvent en lien avec l’intégration des TIC en classe. Encore aujourd’hui, les activités dans ce groupe Facebook se poursuivent, soit plus de huit mois après la fin de l’expérimentation.

Résultats de la phase 2


Les résultats de la phase 2 proviennent des deux questionnaires complétés par une douzaine de participants en début et en fin de projet. Des entrevues semi-dirigées ont aussi été réalisées auprès de deux acteurs associés au projet. Quatre répondants ont également été contactés de nouveau pour un complément d’information.

La plate-forme technologique



L’environnement WordPress / Buddy n’a pas fait l’unanimité. Plus de la moitié des répondants se sont montrés insatisfaits pas la lenteur et la lourdeur de la plateforme. Le temps nécessaire pour se connecter à l’environnement comme pour rédiger une contribution sont les principaux facteurs de ce mécontentement. Il est difficile d’expliquer les raisons de ce problème. WordPress est supporté par une solide communauté et BuddyPress est une extension reconnue qui a fait ses preuves. L’hypothèse la plus plausible serait du côté de la configuration ou de l’hébergement de la plateforme.

L’animation


Parmi les répondants, 75% se sont montrés satisfaits par le travail d’animation et considèrent qu’il s’agit d’un rouage essentiel au succès d’une communauté. Environ 20% des répondants ont toutefois mentionné qu’il aurait été préférable que l’animation cible davantage les activités de transfert de connaissances plutôt que la veille technologique. Un des répondants a également ajouté que « …l’animation demande de modérer certaines discussions pour maintenir l’identité de la communauté ».

Satisfaction, participation et recommandation des participants


Ce sont 70% des répondants qui se sont montrés satisfaits de leur participation au projet. Une proportion presque identique a indiqué avoir apprécié la qualité des discussions qui se déroulaient sur les bases de connaissances issues de la recherche. Cependant, le nombre de contributions directement en lien avec les CIR fut moins important que prévu. On doit mentionner qu’il n’y avait pas un nombre minimal de contributions à faire. On s’attendait à ce que chaque participant rédige 2 ou 3 contributions en lien avec les CIR, alors qu’en réalité, la moyenne fut d’une contribution. La principale raison évoquée est le manque de temps. À cet égard, un répondant a mentionné que « c’est difficile de suivre toutes ces communautés qui émergent un peu partout sur Internet ». Un autre participant a recommandé que « le transfert de connaissances et les discussions doivent se faire à l’intérieur d’une communauté de pratiques plus formelle dans écoles… » en ajoutant que « …les heures consacrées à ces activités devraient être reconnues par les directions ».

Conclusion


Le projet Synap.TIC disposait de ressources modestes et la portée de sa recherche était limitée. Toutefois, les deux phases de cette expérimentation ont tout de même permis de recueillir de nombreuses informations qui méritent d’être analysées en profondeur par quiconque voudrait mettre sur pied une communauté similaire. D’entrée de jeu, le déplacement d’une partie des activités de la communauté vers le groupe Facebook fut l’une des surprises de cette expérience. Les contreperformances de la plateforme WordPress pourraient expliquer en partie cette situation. Il n’en demeure pas moins qu’au final, la moitié des répondants ont indiqué avoir préféré le groupe Facebook.
Il est intéressant de constater que 75% des répondants ont démontré un réel intérêt pour le transfert de connaissances issues de la recherche. Toutefois, la pérennité à long terme d’une communauté d’enseignant dédiée au CIR reste à démontrer. En effet, plus la communauté prenait de l’ampleur et plus le temps passait, on constatait que les échanges et les discussions s’éloignaient de l’objectif initial. L’arrivée de nouveaux participants ne peut à elle seule expliquer cette situation.

L’animation d’une communauté est souvent reconnue comme un élément essentiel à son succès (UdeM, 2013), et ce projet a confirmé l’importance des modalités d’animation. Il est donc recommandé de bien définir le rôle de l’animateur afin que celui-ci puisse non seulement susciter la participation des membres, mais qu’il soit en mesure d’intervenir de façon efficace pour s’assurer que les thèmes qui sont abordés demeurent cohérents avec l’intention de départ. À ce propos, le CEFRIO mentionne que parmi les responsabilités de l’animation d’une communauté, il y a celle de «s’assurer que la communauté évolue dans la bonne direction» (CEFRIO, 2003).

La mise en place de nouvelles communautés dédiées au CIR requiert des ressources considérables, tant au point de vue organisationnel que monétaire. À ces contraintes s’ajoute la disponibilité réduite des enseignants, malgré un enthousiasme certain. Bien qu’il soit tout à fait possible de mettre en place des communautés dédiées au CIR, il serait également recommandé de regarder du côté des communautés et des organismes déjà présents dans le milieu de l’éducation tels que le RECIT, le CPIQ, et l’AQEP pour ne nommer que ceux-là. Étant donné que ces acteurs possèdent les ressources et les membres nécessaires pour assurer la pérennité de leur activité sur une plus longue période, l’ajout d’un volet dédié spécifiquement aux connaissances issues de la recherche serait tout désigné.

Remerciements


Mario Richard, professeur à la TELUQ
Bruno Hubert, CTREQ
Marc Guérin, animateur de communauté
Véronique D'Amours, anciennement du CTREQ
Tous le participants et intervenants qui ont donnés du temps pour ce projet